LUVIGNY était l'avant dernière gare de cette ligne.
Je n'ai pas la prétention de faire l'historique de cette exploitation, mais uniquement de l'évoquer au travers de cette commune de 114 habitants à laquelle je suis particulièrement attaché.
Depuis peu, sa municipalité rend un hommage permanent à ce petit train, au travers de plusieurs réalisations. Une voie verte relie les deux "Raons", mais seule la partie située entre LUVIGNY et RAON SUR PLAINE emprunte fidèlement le tracé de la voie ferrée, en effet la majorité du parcours suivait en site propre la route départementale remontant la vallée de la Plaine, dite aussi vallée de Celles, ce qui lui valait de ne pas être classée parmi les tramways.
Quelques particularités géographiques sur cette vallée:
Le nom de RAON est un terme vosgien qui signifie en français "confluent". Trois des quatres communes portant ce nom en france sont situées dans la vallée de la plaine: RAON l'ETAPE et RAON SUR PLAINE pour les Vosges et RAON LES LEAUX qui est limitophe avec RAON SUR PLAINE, mais qui est située sur le département de Meuthe et Moselle.
La vallée de la plaine est partagée entre les deux départements suivant le cours de la plaine. l'extrémité est de la vallée appartient au Bas-Rhin, et toput de suite au nord, à quelques enjambées, nous sommes en Moselle...
La commune de LUVIGNY est limitrophe à celle de BIONVILLE située sur l'autre rive de la Plaine, ce qui donne une agglomération s'étendant sur deux départements.
LUVIGNY, c'est la patrie du professeur MARINGER qui donne son nom à un hôpital de NANCY. Il hébergera de longues années son ami Emile GERLACH, un peintre de renom qui peindra le village à plusieurs reprises et qui y mourra. Leurs maison porte une plaque commémorative.
Luvigny est célébre pour son église qui renferme la vierge dite "noire" du lac de la Maix. La commune se retrouva au premier rang de la scène internationale en 1887 quand le meurtre d'un garde chasse par un douanier allemand failli déclencher un nouveau conflit franco-allemand.
Autre personnalité marquante de la vallèe, l'actrice Suzanne FLON qui, bien que née en région parisienne était issue d'une famille cheminote du train secondaire de la vallée de CELLES. Elle avait su conserver le délicieux accent de son terroir.
Entrons à présent dans le coeur du sujet.
LUVIGNY 15 minutes d'arrêt, c'était à peu pret de temps que durait un stationnement engare par les trains qui s'y arrêtaient ( manoeuvres des marchandises, attente d'un voyageur attardé etc...)
La ligne fut fondée à l'initiative du manufacturier de CELLES SUR PLAINE, Charles Quartier-Bresson ( 1852-1921), de la famille du célèbre photographe. Elle fut construite par l'entreprise BEAUDOIN-DERONNE employant 60 ouvriers italiens originaires des vallèes du Tessin et du Pô. Les rapports entre ces immigrés et la population locale furent excécrables, situation motivée par un choc culturel sans précédent pour la vallée .L'exploitation était assurée au début par quatre automotrices PUREY achetées d'occasion et vite surnommées "PUREES" par deux machines à vapeurs 130T CORPET-LOUVET et une 020T HANOMAG, par quatre autorails une DECAUVILLE CROCHAT,
deux RENAULT SCEMIA
et un BRISSONEAU ET LOTZ.
Les voitures d'origine venaient de GENEVE où elles avaient été acquises d'occasion. Quelques unes seront achetée neuves. La ligne héritera du matériel tracté du défunt tramway de REMIREMONT à GERARDMER ( les locomotives de cette exploitations seront rejetées pour des raisons techniques) Après 1945, deux voitures de la ligne COLMAR-LAPOUTROIE arriveront à RAON l'ETAPE. Il y avait aussi un important parc marchandises, dont des wagons couplage pour le transport des grumes de grande longueur.
A RAON l'ETAPE, la gare propre du secondaire appelée RAON-TRANSIT était reliée à la gare de l'EST par une section de voie urbaine implantée sur chaussée, et par un embranchement en voie normale pour les marchandises utilisant un parcours différent. Cette section était exploitée par une locomotive à vapeur à chaudière verticle qui reçu comme immatriculation le numèro "ZERO"!!
Le hameau de LA TROUCHE, comune de RAON L'ETAPE , première halte du secondaire possédait la maison de l'accadémien Louis MADELIN, habitation que les Allemands feront disparaître lors de la seconde guerre mondiale
C'est aussi durant cette sombre période que le chemin de fer acquérira ses plus belles heures en devenant le maillon essentiel du réseau de passeurs qui escortait les évadés venant d'Allemagne. Les fugitifs déguisés en cheminot parvenaient souvent à échapper aux contrôles de la Gestapo. Un monument commémore ces actions à RAON SUR PLAINE
Retour à LUVIGNY que nous ne quitterons plus.
Deux photographies de la construction de la voie en aval et en amont du village:
Autre vue de la ligne en bordure de route peu avant LUVIGNY: